Par courrier du 26 juin 2020, le Secrétaire d’Etat aux transports apportait la vision du Gouvernement quant au devenir du régime spécial des cheminots, la classification de nos métiers et la rémunération des cheminots de la branche, ou encore l’adhésion forcée des cheminots du cadre permanent à une assurance complémentaire-santé.
Contrairement à d’autres, la CGT fait le choix de ne pas faire passer des reculs pour des victoires !
1. CLASSIFICATION DES MÉTIERS ET RÉMUNERATION DES CHEMINOTS
L’accord de branche signé par UNSA-CFDT sur la classification et la rémunération aurait apporté des droits aux cheminots.
Le texte signé prévoyait :
- Des négociations cycliques de branche sur les salaires minima, obligation déjà inscrite dans la loi ;
- La remise en cause du dictionnaire des filières SNCF (voir Temps Réel n°58) et une polyvalence accrue des métiers cheminots en effaçant les contours des métiers ;
- L’absence de reconnaissance des diplômes ;
- Des garanties salariales inférieures à l’entreprise historique et aux autres entreprises ferroviaires. Pour exemple, le salaire d’embauche d’un agent de conduite chez ECR est supérieur de 1800 € bruts annuels au salaire minimum de branche d’un conducteur en fin de carrière conclu entre l’UTP et les organisations signataires ;
- Une augmentation des primes incitant au travail de nuit, contrainte majeure qui bouleverse les rythmes biologiques et altère gravement la santé des travailleurs. Pour la CGT, le travail de nuit doit demeurer exceptionnel et être justifié par la nature de la tâche à accomplir. Lorsque le travail de nuit ne peut être évité, ses contraintes doivent être compensées en repos, sans diminution de salaire.
Ce texte n’apportait donc rien de positif aux cheminots.
Il favorisait la mise en concurrence des salariés en leur imposant des normes moins protectrices que celles en vigueur dans les entreprises.
La Fédération CGT des cheminots a donc pris la décision de s’opposer à la mise en œuvre de cet accord historiquement régressif pour les cheminots.
La CGT exige désormais la réouverture de négociations fondées sur la reconnaissance des qualifications par le salaire. Le patronat et les organisations minoritaires signataires s’y refusent !
2. Le patronat peut décider seul des critères de classification et de rémunération des cheminots.
Pour contourner l’absence d’accord collectif, le patronat a édicté une recommandation patronale reprenant, à quelques détails près, ses propres propositions.
Les recommandations patronales ne font en principe pas loi. Les recommandations patronales s’imposent aux entreprises adhérentes de l’organisation patronale. Cependant, ces recommandations ne peuvent s’imposer aux salariés que dans le cas où elles sont plus favorables que les droits existants. Or, ce n’est ici pas le cas, et c’est pour cette raison que les organisations syndicales majoritaires s’y sont opposées.
3. Le Gouvernement est légitime à instaurer des normes en matière de classification des cheminots.
La loi ou le règlement définit les protections. Les accords collectifs doivent les améliorer à partir des réalités vécues par les salariés dans les entreprises et de leurs aspirations sociales.
L’État est garant de l’intérêt général et doit œuvrer à réduire les inégalités.
Foulant au pied le principe de l’accord majoritaire, le Gouvernement envisage de sanctuariser la position patronale en légiférant par voie d’ordonnances, en lieu et place du Parlement, sur un domaine qui relève habituellement du droit négocié, le tout pour soutenir le patronat.
Dans une vision du dialogue social limitée au monologue patronal, le Secrétaire d’Etat aux transports semble considérer qu’une recommandation patronale fait Loi de la République.
DANGER GRAVE ET IMMINENT SUR LE RÉGIME SPECIAL DE PRÉVOYANCE DES CHEMINOTS
La Loi pour un « nouveau pacte ferroviaire » du 27 juin 2018 a ordonné la fin de l’embauche au Statut à compter de 2020 et conséquemment, la fin des entrées au Régime Spécial de Prévoyance et de Retraite.
La loi a également institué des cas de transferts de personnels entre entreprises. Ceux-ci perdraient leur affiliation au régime spécial de prévoyance.
Pour la CGT, la CPR est l’outil de gestion du Régime Spécial, ni plus, ni moins. Le devenir de la CPR est donc intimement lié à celui du Régime Spécial.
La CPR ne doit pas être un outil de gestion des complémentaires-santé obligatoires, ce qui d’une part, entraînerait leur généralisation, et d’autre part, diluerait davantage encore le lien entre couverture santé et Sécurité Sociale.
La CGT revendique l’extension du Régime Spécial sous ses 3 volets que sont la retraite, la prévoyance et l’action sociale, et donc de ses prestations à l’ensemble des salariés de la branche.
4. L’instauration d’une caisse de prévoyance de branche permet à l’ensemble des cheminots de la branche ferroviaire d’intégrer le Régime Spécial.
Historiquement, la Sécurité Sociale est divisée en régimes, sur le fondement de besoins spécifiques liés à des spécificités professionnelles.
Un régime est un ensemble de droits (prestations), financé par des cotisations et géré par organisme de Sécurité Sociale. Le régime spécial de prévoyance (= maladie) des cheminots sert des prestations spécifiques : taux de remboursements plus élevés – 100 % hospitalisation, 100 % pharmacie vignettes blanches, bleues et oranges prescrite par médecine de soins. Ces prestations sont financées par des cotisations spécifiques : 9,60 % SNCF + 0,15 % salarié (7,30 % dans le régime général).
5. La caisse de branche permet de sauvegarder le Régime Spécial.
Dissocier CPR et Régime Spécial représente un danger historiquement inédit qui obère le devenir du régime.
Le Gouvernement, avide de « normalisation » des régimes spéciaux, s’attachera à neutraliser les droits spécifiques des cheminots. Personne ne peut croire que la CPR continuera à travailler la définition de prestations spécifiques qui seraient financées par des cotisations spécifiques pour certains affiliés et pas pour d’autres.
La mise en place d’une caisse de branche sans régime de branche n’est pas un pas vers le progrès.
6. La création d’une caisse de branche unifie les cheminots de la branche.
Le Gouvernement n’a pas retenu le scenario du basculement immédiat de l’ensemble des cheminots vers le régime général, car il est techniquement difficile à mettre en œuvre brutalement. La mise en place d’une caisse de branche sans régime de branche est donc la suppression du Régime Spécial étalée dans le temps.
Le scenario du patronat et du Gouvernement scinde le régime spécial de prévoyance et de retraite des cheminots en 2. Pour les cheminots de la branche, contrairement au scenario proposé par la CGT, il n’y aura donc aucune unité dans les droits, dans leur financement ou dans leur interlocuteur.
7. La mise en œuvre d’une complémentaire-santé est obligatoire pour les cheminots du cadre permanent.
La mise en place de complémentaires-santé obligatoires dans les entreprises résulte d’un accord national interprofessionnel signé entre la CFDT et le patronat en 2013, visant à livrer la Sécurité Sociale au patronat de l’assurance.
Les stipulations de cet accord ont été transcrites dans la loi relative à la « sécurisation de l’emploi » par le même gouvernement que celui qui a conduit la contre-réforme du ferroviaire en 2014.
La souscription forcée à une complémentaire–santé, le plus souvent une assurance à but très lucratif, s’impose aux salariés des entreprises, dès lors qu’ils ne sont pas soumis à un « statut particulier », selon l’article L.2233-1 du code du travail.
En conséquence, les cheminots du cadre permanent, qui sont affiliés au régime spécial de prévoyance et bénéficient de ses prestations supérieures au régime général, ne sont pas légalement contraints de souscrire une complémentaire-santé obligatoire.
8. La mise en oeuvre d’une complémentaire santé de branche est la meilleure solution pour améliorer la couverture santé des cheminots.
Les prestations du Régime Spécial de Prévoyance sont globalement supérieures à celles du régime général.
Améliorer les prestations du Régime Spécial et l’étendre à tous les cheminots de la branche, c’est moins cher et ça répond mieux aux besoins de santé.
Rappelons que les organisations syndicales qui aujourd’hui promeuvent les complémentaires-santé obligatoires sont également celles qui accompagnent les replis de la SECU par leurs votes dans les conseils d’administration des organismes de Sécurité Sociale.
9. La complémentaire-santé obligatoire coûterait moins cher aux cheminots.
La mise en oeuvre des complémentaires-santé obligatoires s’est accompagnée d’une augmentation générale des dépassements d’honoraires pratiqués par les professionnels libéraux de la santé et une hausse des prix de l’industrie du médicament et des appareillages, favorisées par la « solvabilisation » des dépenses de santé sur le dos des salariés.
Cette hausse est soit prise en charge directement par le malade, soit prise en charge par la complémentaire-santé, et donc répercutée sur les cotisations.
Selon les chiffres de la direction SNCF, 80 % des cheminots affiliés au Régime Spécial seraient adhérents volontaires d’une complémentaire-santé, la plupart du temps d’une mutuelle cheminote. Cela signifie que 20 % d’entre eux ont fait le choix de ne pas y recourir et que les mutuelles cheminotes seraient privées de ces 80 % d’adhérents en cas de mise en place d’un contrat unique forcé pour tous les cheminots.
Les retraités ne bénéficient pas de la prise en charge d’une partie de la complémentaire-santé. Leur généralisation, qui mettra en péril les mutuelles cheminotes, les jettera donc dans les griffes des assureurs, pour des tarifs nettement moins mutualistes.
De manière générale, les organismes de Sécurité Sociale comme la CPR ont des frais de gestion nettement inférieurs aux assurances et autres institutions de prévoyance, car leur but n’est pas de dégager des bénéfices.
Les cotisations du Régime Spécial de Prévoyance sont de 0,15 %, déduit du salaire brut du cheminot. Les cotisations de la complémentaire-santé des personnels contractuels sont en moyenne d’environ 1,36 %, déduit du salaire du cheminot, appelées à augmenter, comme l’ensemble des complémentaires-santé.
La CGT revendique donc l’extension du Régime Spécial et l’amélioration de ses prestations, ce qui coûtera moins cher aux cheminots, et répondra mieux à leurs besoins !