Informatique : après le changement de dirigeants, si on changeait de politique !

Nouvelle directrice à DOSN, départ du « CTO », départ du directeur du « Digital », départ du directeur général e.SNCF, nomination du « CPO » comme directeur général, nouveau Président, cette valse des têtes nous offre l’opportunité de faire un bilan de l’équipe dirigeante précédente de la « team e.SNCF ».


Un budget annuel SI de 900 M€ à 1,3 Mds €

Le bilan est catastrophique.

On nous avait vanté la pertinence économique du modèle centre de services (CDS). Le passage du faire au faire-faire devait améliorer notre performance.

On avait pourtant eu, voilà 6 ans, la démonstration de l’aberrance économique que constituait la généralisation de la sous-traitance avec l’évaluation de ses coûts dans le rapport SECAFI sur la transformation des SI de la SNCF : un informaticien cheminot coûtait 2 fois moins cher qu’un ASTR en régie.

Un temps plein en CDS, même s’il coute 30% de moins qu’un ASTR en régie, constitue donc un surcoût évident par rapport à un cheminot.

Nos hauts stratèges se sont pourtant obstinés, l’opposition des informaticiens et l’évidence économique auraient dû s’imposer à ces têtes bien pleines. Mais non. C’était trop compliqué pour eux. Il aurait fallu savoir réaliser une GPEC digne de ce nom (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Force est de constater qu’ils n’avaient pas ce savoir-faire. Les dossiers présentés à vos élus CGT depuis des années sur ce sujet sont d’une indigence honteuse.

A l’heure du bilan, on le sait maintenant, la généralisation des CDS, l’hébergement dans le cloud a fait passer en quelques années seulement le coût du SI SNCF de moins de 900 M€ à 1,3 Mds€.

1 300 000 000 €, rendez-vous compte, c’est le coût de plus de 63 000 années de SMIC…

Pour quelle efficacité ?

Pour une seule demande d’évolutions logicielles, combien de livraisons du CDS de développement ?

Et au niveau production, qui peut affirmer que les chaînes applicatives sont réellement maitrisées ?

Plutôt que d’investir dans l’outil industriel que représentent nos datacenters, ils ont décidé de les fermer.

Le tout-cloud : quel retour sur investissement ?

En plus des CDS, on n’a pas manqué de nous vanter les vertus du Cloud.

D’abord, ça devait être tellement facile et magique que la migration devait être extrêmement rapide et tellement peu coûteuse.

Puis, après avoir fait glisser le planning d’un an sur une période de 12 mois — saluons la performance — le discours a changé : on ne migrait plus sur le cloud pour faire des économies mais pour avoir accès aux technologies.

Et il a bien fallu se rendre à l’évidence. Fermer nos datacenters pour migrer les 2/3 de nos applications chez les fournisseurs d’informatique nuagique, c’est compliqué, très compliqué.

Donc cher, très cher.

Pourtant on continue d’essayer. Les DSI clientes de DOSN parlent, « en off » du fiasco de la Migration Factory, et ne sont plus intéressées par la migration dans le nuage… Il faut dire que les factures commencent à tomber. Et elles ont des montants élevés. C’est ce qui arrive quand au moment de migrer une application, on ne se pose pas la question du coût comparé d’un fournisseur à l’autre et du coût comparé avec l’hébergement interne actuel.

C’est ce qui arrive quand on ne se pose pas la question de la dépendance à un fournisseur.

C’est ce qui arrive quand on ne se préoccupe pas des consommations en licences logicielles, de leur coût et la maîtrise de ces coûts.

D’ailleurs, qui peut dire quelles sont les projections en matière de dépenses auprès de Microsoft Azure et Amazon AWS (et ne parlons pas d’Oracle) ?

Sans faire appel au mensonge… Personne.

Et enfin, l’argument ultime est apparu. Il est sublime celui-là : La Migration Factory, c’est bien parce que cela permet de décommissionner des serveurs et des applications.

Elle est bien bonne celle-là.

Est-ce que cela ne revient pas à nous dire « la gouvernance du SI a été conduite comme un manche, en grands incapables que nous sommes, nous avons toujours privilégié l’affichage d’une ouverture précipitée d’un service plutôt que de n’ouvrir ce service qu’à partir du moment où l’on avait programmé les décommissionnements qui vont avec. ».

La bonne efficacité des décommissionnements, voilà un sujet qui devrait être la priorité de tous dans une entreprise en quête d’économies.

Pourtant combien d’informaticiens à la SNCF, combien de Chefs de Projet SI n’ont jamais eu ces sujets dans les priorités fixées par leurs managers depuis plusieurs années ?

N’a-t-on pas décidé d’essayer de fermer les Datacenters uniquement par incompétences de nos dirigeants en matière de gouvernance ?

Des dirigeants aussi incompétents en matière d’espionnage industriel qu’en matière budgétaire

Sur les sujets de guerre économique, nos directeurs ont jusqu’à présent fait preuve d’un amateurisme scandaleux.

Pour peu que l’on s’intéresse un tant soit peu à la question, il est facile de comprendre qu’avec le Cloud Act ainsi que le Patriot Act, les Etats-Unis ont organisé l’extraterritorialité de leurs lois… Ainsi, quiconque fait appel à un hébergeur américain peut voir les USA lui voler ses données (sans préavis pour ce qui est du Patriot Act) quel que soit l’endroit dans le monde où sont hébergées ces données. Le fait d’avoir un contrat de prestation de droit français/européen avec le fournisseur ne protège nullement le propriétaire des données.

L’affaire Alstom/General Electric (cf https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/dossier-laffaire-alstom) a pu apprendre à ceux qui l’ignoraient, qu’en matière de guerre économique, les états ne se privent d’aucun outil.

Ainsi, il n’est pas permis de douter que les USA, comme les autres Etats d’ailleurs, pratiquent l’espionnage économique sur les entreprises leaders dans leurs domaines d’activités.

Or, nul doute qu’un groupe comme la SNCF fait partie des leaders mondiaux sur plusieurs de ses activités économiques.

La SNCF fait donc l’objet d’espionnage industriel, notamment des Etats-Unis.

Les informaticiens Cheminots méritent des dirigeants compétents.

Cela veut dire des cadres dirigeants sensibilisés à la question de l’espionnage industriel et plus généralement d’intelligence économique.

Pourtant, e.SNCF a vu passer (puis partir) des cadres dirigeants qui se sont lavés les mains de ces sujets, déclarant publiquement que ces questions étaient des enjeux d’Etats et qu’ils préféraient prendre le risque d’utiliser Microsoft Azure et Amazon AWS que de se passer de ces technologies.

Cette prise de position ne devrait pas être possible au sein d’un Opérateur d’Importance Vitale (OIV) comme la SNCF.

En janvier 2019, vos élus CGT en CSE EPIC SNCF ont demandé comment étaient pris en compte le Cloud Act, le Patriot Act ainsi que le RGPD dans la stratégie d’hébergement des données de e.SNCF… 9 mois après, la direction n’a toujours pas répondu…

Tout ça, comme si la SNCF n’était pas confrontée à la concurrence.

Vraiment, nous méritons des cadres dirigeants plus compétents que l’équipe de direction précédente. Bien sûr, il ne peut s’agir que d’incompétence, sinon, il s’agirait de trahison.

Réinternaliser notre SI, investir dans nos Datacenters

La transformation du GPF en sociétés anonymes en 2020 exige, plus que jamais, une bonne gestion économique.

Stopper les démolitions initiées par les équipes de directions précédentes nécessite du courage. Mais c’est possible. C’est même un impératif. La CGT exige donc :

•              l’arrêt immédiat de la Migration Factory,

•              l’arrêt immédiat des CDS de productions,

•              l’ouverture d’une étude sérieuse sur les besoins en matière d’hébergement de données, en respectant les impératifs de souveraineté numérique,

•              la réinternalisation prioritaire de toutes les activités des Directions Opérationnelles des services aux DSI de la DOSN en commençant par les activités « Applications Métiers ».

 

Par ailleurs, la CGT revendique : 

•              l’arrêt des CDS de développement,

•              la réinternalisation des activités des CDS de développement,

•              la réinternalisation de toutes les activités de production SI,

•              la réinternalisation des activités des Directions Opérationnelles des services aux Utilisateurs de la DOSN en faisant appel systématiquement aux ASTI/ESTI pour le support technique.

 

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